MON CARREAU A MOI par Albert Bagno

Après un long silence du à l'abandon et une très longue restructuration, le "Carreau du Temple" à Paris dans le IIIème arrondissement, retourne à la vie.

Je ne vous raconterai pas l'histoire, les histoires du Temple, vous trouverez sur le net un nombre incroyable de sites et ils en parlent mieux que moi.

Moi, je m’appelle Albert Bagno, j’habitais dans les années 1950-1960 presque au fond de la Cité Dupetit-Thouars. Je suis très lié à ce lieu historique et ce à plus d’un titre. J’aimerai partager avec vous quelques émotions qui sont liées à ce lieu et ses alentours.
D'abord, c'était mon jardin d'enfance. A l’époque pour jouer, c’était ça ou le caniveau. Pour moi, comme beaucoup, c’étaient les deux. Alors dès que je le pouvais j'allais jouer au Carreau. Le nombre de conneries que j'ai pu faire là, c'est pas comptable, bien que la comptabilité de la connerie d'enfants pourrait être une chose très amusante à faire et à dire. Et les conneries des enfants au Carreau, ça frollait la science.

Nos parents étaient depuis peu sortis tout cabossés de la guerre (dont beaucoup de résidents n’étaient pas revenus). Avec nous ils étaient tout doux et plus que compréhensifs, même si les morfles pleuvaient assez souvent. Nous les enfants, nous étions "les enfants de la joie", car ils étaient étonnés d'être encore vivant après ce qu'ils avaient passé, et si nous étions là, c'était aussi pour démontrés justement qu’ils étaient vivants.
Une bonne partie d'entre eux était marchands au Carreau du temple et quand on le pouvait nous les aidions (enfin... on s'amusait à les aider). On jouait avec les vieux lits de camps, ceux que les américains avaient laissés à nos parents. Ils servaient (les lits, pas les américains) d'étalages pour les marchandises, que nos parents essayaient de vendre dans la pure tradition des fripiers du Temple. Ils ne savaient pas, nos parents, qu’ils étaient de leur vivant des monuments historiques. En permanence, dans le Carreau, il y avait un brouhaha pas possible. Tout le monde parlait fort et en yiddish, la langue nationale du Carreau et du quartier. 

 
 
Les allées des boutiques du carreau
Photo Albert Bagno
Le tableau pour accrocher les médailles des commerçants.
Photo Albert Bagno
 


A midi tapant la cloche sonnait et il fallait rapidement plier bagages. Il ne restait sur le Carreau que les panniers et vers une heure de l’après midi, on jouait aussi avec ces grands charriots en rotin (qui servaient pour ranger les marchandises): Quand ils étaient encore vides ou mal fermés nous les utilisions pour faire des courses de vitesse, comme les voitures au Mans. Il fallait être habile pour courir en poussant le charriot, lui donner de la vitesse, puis sauter dans le panier en marche. Combien de gadins j'ai pris, qu'on a pris!.
L’un des pousseurs – ramasseurs de charriots était le vieux clochard qu’on appellait gentiment Bébert. Il n’aimait pas qu’on poussent les charriots, il croyait qu’on lui volait le travail. Après le boulot et après avoir reçu ses pièces, il traversait la rue, et à l’angle de la rue Dupuis et de la rue Pérret, il rentrait chez Topau, pour boire un gros coup de rouge. “Le travail ça fatigue”, qu’il disait, et de continuer “Faut bien se remettre! Quoi! Un!”, Et la mère Topau, sans se faire voir des autres clients, au moment où elle prenait les pièces des mains du Bébert, elle lui faisait un petit rabais.   

 
 
La vespasienne du carreau
Photo Albert Bagno
Note de Richard : Il doit en rester une bd Arago près de la prison de la santé. On devrait la classer monument historique.
Le carreau alimentaire.
Photo Albert Bagno

Note de Richard : Au carreau du temple pas de pigeons, que des moineaux !
J'adore aussi la pancarte : Comparez nos prix, devenez client !



Sur le coté vers la rue de Picardie, il y avait dans le Carreau, le secteur alimentaire où l'on achetait le pain azyme et les pains de l'enfance de nos parents. Il y a bien longtemps, il y avait là un poissonnier (casher). Je me suis toujours demandé comment un poissonnier pouvait être casher ? Bon! pour le boucher qui était en face de lui, je comprenais, mais pour un poissonnier? Il y avait là d'autres marchands et nous, les moufflets, on courrait comme des fous d'un étalage à l'autre. A coté de l'un d'eux, qui vendait des charcuteries, il y avait un tonneau plein de cornichons qui faisaient la baignade dans une eau de saumure. Ils étaient vraiment bon! La patronne nous permettait de les lui voler, (elle faisait semblant de ne pas nous voir), car elle les faisait payer à nos parents dans le prochain achat.
 
Note de Richard, l'administrateur du site
Merci Albert pour ce joli témoignage qui nous parfume le coeur.
J'aimerai ajouté quelques souvenirs que nous avons partagé lors de notre échange de mails, comme la blanchisserie ou le fabriquant de billard Hénin de la cité dupetit Thouars, la laiterie rue dupetit thouars, Maggy, l'épicerie Mr et Mme Robion... Ce qui a fait la vie de ce quartier durant un temps. Nombreux souvenirs d'enfance s'y rattachent et je te remercie de nous aider à les faire revivre. 
Tu es le bien venu pour nous en faire revivre d'autres quand tu veux.

 


N'hésitez pas à commenter ce témoignage. Si vous avez aussi quelques émotions ou souvenirs sur le carreau du temple ou son quartier, partagez-les avec nous en me contactant.

 

 
 



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